Loi littoral

Loi littoral

Qu'est ce que le littoral et la loi littoral?

Le littoral est une notion ambiguë, liée à réalité de cet espace particulier. A la jonction des deux, il est encore terre, il n’est pas encore mer. Il peut être un trait à peine mouvant, bousculé seulement le temps d’une tempête comme en Méditerranée. Ou il peut être ces vastes étendues découvertes à marée basse qui donne alors au littoral le temps d’une marée toute l’amplitude de sa dimension comme en Bretagne.

Alors quelles règles d’usage appliquer à ce milieu interlope, celles de la terre ou celles de la mer ? Si ce sont celles de la terre, alors la propriété privée ou collective s’exerce jusqu’au dernier centimètre carré de la terre que l’on possède et même au-delà sur la plage qui prolonge la propriété. Et qui dit propriété dit maîtrise totale sur son bien et interdiction à quiconque d’y pénétrer, sauf accord donné. Avec comme conséquence directe l’inaccessibilité du littoral aux non-propriétaires et privatisation de la vue sur la mer. C’est le droit anglo-saxon.

Si ce sont les règles de la mer, pas de place pour la propriété privée. La mer est déclarée partout terra nullius, c’est à dire n’appartenant à personne. On imagine mal la vente aux enchères ou sur Amazon de quelques hectares de mer au cœur de l’Atlantique ou du Pacifique… Cela n’empêche nullement les Etats d’exercer leur pouvoir sur ces espaces qui bordent le littoral. Le droit français sur les milieux côtiers puise là son originalité. Au moins sur ce point nous pouvons nous déclarer, nous Françaises et Français fers de l’être. A la suite d’une longue tradition qui remonte à François 1er, donc bien avant la Révolution, le littoral a été déclaré inaliénable, et en ce sens accessible à toutes et tous. Aujourd’hui, cela s’appelle DPM, Domaine Public Maritime dont l’esprit emprunte à ce droit de la mer, sans pour autant y adhérer totalement. D’ailleurs il est délimité d’un côté par la plus haute laisse de mer, de l’autre par sa plus basse laisse.

Pourquoi alors avoir attendu 1986 pour établir la loi dite littoral ? Pour résoudre l’épineux problème de l’usage de la propriété privée en bordure immédiate de ce DPM. Avec l’explosion du tourisme après la dernière guerre, la ruée saisonnière sur la mer s’est traduite par une privatisation très forte des côtes, rendant difficile voire dans certaines situations impossible l’accès à ce DPM, pourtant public, sans compter le préjudice d’une vue sur la mer captée par quelques uns et à leur seul profit. Il fallait impérativement légiférer, ne serait-ce pour que le DPM ne devienne pas lettre morte en empêchant toute fréquentation du public sur quelques unes de ses parties. Voilà qui a conduit à introduire dans le code de l’urbanisme quelques articles interdisant toute construction en bordure de mer en sacralisant une bande de 100 mètres et préservant aussi même dans une moindre mesure toutes les parties de la côte visibles de la mer au-delà de cette limite. Ce faisant, tous ces espaces proches du rivage, y compris lacustres, ont gagné un nouveau statut, celui d’être patrimoine de la Nation, au même titre que le patrimoine architectural, pleinement acquis en 1913. C’est une avancée juridique considérable que l’on doit à la Ministre de l’Environnement de l’époque, Huguette Bouchardeau. Grâce à elle, le droit à la Beauté s’exerce pleinement, concrètement, sur une portion de la nature comme il s’exerce sur l’architecture en sauvegardant ces patrimoines de toute destruction irrémédiable.

Bien sûr, cela ne s’est pas fait sans mal. Il a fallu tenir compte de la situation déjà existante. Si les espaces naturels exempts de toute construction sont totalement préservés de constructions nouvelles, toutes les agglomérations en bordure de mer sont exclues de fait de la loi. Mais comment traiter les abords de toutes ces maisons isolées qui empiètent déjà sur ces espaces naturels que la loi a pour but de préserver? Au fil des ans la jurisprudence a affiné le terme de village introduit dans la loi. N’est un village que le bourg historique justifiant d’une activité administrative et économique et ses alentours immédiats et contigus. Partout ailleurs, même si des maisons ont été construites, avant la loi regroupées ou pas en hameaux, mais séparées du bourg par des espaces naturels, ces zones sont non urbanisables. C’est le cas de Saint-Effam. En 2011, suite à un recours de Plestin Environnement un permis de construire délivré par le maire est annulé au nom de cette disposition de la loi. C’est donc la totalité de la superficie de Saint-Effam qui est décrétée non-constructible.                                                                                                                                  Alors comment comprendre qu’un nouveau permis ait été accordé aux familles Bourdin-Cassin par le même maire dans ses conditions ? Comment comprendre que ces familles n’aient même pas attendu le jugement du tribunal saisi par la même association avant de commencer à construire ? La suite n’est alors que la chronique d’une histoire annoncée. Procédures après procédures, l’annulation de ce dernier permis de construire est confirmé.

Et voilà qu’aujourd’hui les familles Bourdin-Cassin et le maire se défaussent de leur responsabilité et font porter le chapeau de leur malheur sur Plestin Environnement, Sauvegarde du Trégor et la FAPEL. Voilà ces associations jetées à la pâture de la vindicte populaire pour leur demander d’user d’un pouvoir qu’elles n’ont pas de surseoir à une décision de justice après de surcroît l’avoir demandée.

Le plus choquant dans cette affaire comme dans tant d’autres communes du littoral, c’est la position des maires. Ils sont les premiers magistrats de leur commune. A ce titre, ils veillent à la bonne application sur leur territoire des lois de la République. Or, tel n’est pas le cas quand il s’agit de la loi littoral. A Plestin par exemple, le maire viole la loi délibérément et pire avec la complicité des administrations de Lannion Trégor Communauté et de la sous-préfecture de Lannion. Il faut tout le courage et la détermination de citoyennes et citoyens regroupés en associations pour que ces règles élémentaires de vie en communauté directement héritées de siècles de notre histoire commune soient mises en œuvre. La loi littoral est un outil même incomplet de la préservation de ce patrimoine naturel maritime qui est notre bien commun à toutes et tous. Elle veille à ce qu’il ne soit pas confisqué par quelques uns à leur profit selon leurs moyens. Contre les privilèges qui tendent à se restaurer à tout moment, elle rappelle que notre République est une démocratie avec égalité de droits accordés à toutes et tous. C’est aussi pour cela qu’elle est plébiscitée par l’opinion publique, bien au-delà des communes du littoral.

La Maison de St-Efflam

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